La fiscalité successorale franco-japonaise

tokyo, fiscalité successorale

Lors d’un passage au Japon, Maître Caroline DIXNEUF nous a proposé de nous donner un éclairage sur la fiscalité successorale franco-japonaise. 

Commençons par les principes de la fiscalité successorale française.

Les principes de la fiscalité successorale française

Par principe l’Etat où est domiciliée la personne décédée dispose du droit de taxer les biens dépendant de son patrimoine au jour de son décès.

Si la personne décédée est domiciliée en France, l’article 750 ter 1° du Code général des impôts prévoit que tous les biens transmis sont imposables, qu’ils soient situés en France ou hors de France.

Exemple 1 : Prenons le cas d’un défunt de nationalité japonaise et domicilié en France est propriétaire d’un appartement situé à Paris et d’une maison dont il a hérité de ses parents située à Kyoto. Compte tenu du domicile fiscal français de la personne décédée, tous les biens transmis sont imposables en France peu importe le lieu de résidence des héritiers.

Attention, les Etats peuvent conserver le droit de taxer les biens situés sur leur territoire même si le défunt n’y est pas domicilié.

Dans notre exemple, il conviendra de vérifier la fiscalité japonaise sur le bien situé à Kyoto.

Regardons ce qui est prévu du point de vue français lorsque le défunt n’est pas domicilié en France. Il convient pour cela de distinguer deux hypothèses :

– Si l’héritier ou le légataire n’est, lui non plus, pas domicilié en France, alors seule est imposable la transmission des biens situés en France (CGI art. 750 ter, 2°) ;

–  Si l’héritier ou le légataire est domicilié en France pendant au moins six ans au cours des dix dernières années précédant celle au cours de laquelle il reçoit les biens (date du décès), tous les biens transmis sont imposables, qu’ils soient situés en France ou hors de France (CGI art. 750 ter, 3°). A défaut de durée suffisante, l’héritier ou le légataire est imposé sur les biens uniquement situés en France.

Vous l’aurez donc compris, des biens peuvent être taxés deux fois. Une fois par l’Etat où la personne décédée est domiciliée et une seconde fois par l’Etat du lieu de situation des biens. Pour éviter cela, la France a conclu un certain nombre de conventions fiscales internationales.

Aucune convention fiscale n’a toutefois été conclue entre la France et le Japon. Par conséquent, les biens situés en France et au Japon peuvent être taxés à deux reprises. 

Voici les formalités fiscales à accomplir :

En cas de décès sur le territoire français, une déclaration fiscale doit être déposée à l’administration fiscale dans les 6 mois qui suivent le décès (sauf cas particulier pour Mayotte et La Réunion dans certaines circonstances). Lorsque le décès a lieu à l’étranger, le délai est alors de 12 mois.

Le dépôt de la déclaration de succession s’effectue au centre des impôts du domicile du défunt. En cas de domicile fiscal à l’étranger, le dépôt s’effectue à la recette des non-résidents de Noisy-Le-Grand.

Le dépôt de la déclaration n’est toutefois pas obligatoire lorsque l’actif brut successoral (c’est-à-dire l’ensemble des biens avant déduction des dettes) est inférieur à 50 000 € pour une transmission au profit des héritiers en ligne directe et conjoint survivant à condition qu’ils n’aient pas bénéficié antérieurement de la part du défunt d’une donation ou d’un don manuel non enregistré ou non déclaré.

Focus sur la taxation du conjoint survivant et des descendants :

Le conjoint survivant est exonéré en France de toute fiscalité.

En revanche, les descendants de la personne décédée sont quant à eux soumis à taxation.

Sans rentrer dans le détail de la détermination de la part taxable, sur la part reçu par tout descendant est déduit un abattement d’un montant de 100 000 €. Attention toutefois, si vous avez bénéficié de donation(s) depuis moins de 15 ans, cet abattement peut avoir été entièrement ou partiellement consommé.  Sera donc déduit de votre assiette taxable uniquement l’abattement non encore utilisé.

L’abattement est renouvelable, à ce jour, tous les 15 ans.

Au delà de 100 000 €, les descendants sont taxés selon un barème progressif.

Après application de l’abattement, si la part de succession qui vous revient est :

Le taux d’imposition applicable est le suivant :

Inférieure à 8 072 €

5 %

Comprise entre 8 072 € et 12 109 €

10 %

Comprise entre 12 109 € et 15 932 €

15 %

Comprise entre 15 932 € et 552 324 €

20 %

Comprise entre 552 324 € et 902 838 €

30 %

Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 €

40 %

Supérieure à 1 805 677 €

45 %

 

Exemple 2 : Le patrimoine du défunt est composé d’un actif net de 1 000 000 € réparti entre quatre enfants par parts égales. Chaque enfant recueille 250 000 € auquel on déduit l’abattement de 100 000 €. Il reste donc à taxer la somme de 150 000 € selon le barème progressif ci-dessus soit un montant de droits de succession de 28 194 € dû par chaque enfant au trésor public.

Les grandes lignes de la fiscalité successorale japonaise pour le conjoint survivant et les descendants

Maître Yohei Suda, avocat international à TOKYO, nous explique les points importants de la fiscalité successorale japonaise et notamment que dans les 10 mois qui suivent le décès, quel que soit le lieu du décès, une déclaration de taxe successorale doit être remplie. 

Au Japon, la taxation de la transmission patrimoniale par décès dépend non seulement de la résidence fiscale du défunt ou de l’héritier mais elle dépend également d’autres critères de taxation. Il est tenu compte notamment :

  • Du type de visa pour les résidents étrangers et du nombre d’années où le défunt ou l’héritier ressortissant étranger a résidé au Japon au cours des 15 années précédant le décès,
  • De l’existence d’une résidence au Japon au cours des 10 années précédant le décès si le défunt ou l’héritier n’est pas résident au Japon,
  • Ainsi que de la nationalité du défunt ou l’héritier.

Les règles à ce sujet ont été modifiées par une loi entrée en vigueur le 1er avril 2018.

Lorsque le défunt et les héritiers sont résidents au Japon au jour du décès, le patrimoine successoral mondial est taxé. Une nuance est toutefois prévue pour les « temporary foreigners » disposant d’un visa listé en annexe de l’Immigration Control and Refugee Recognition Law (Table 1) et qui résident ou ont résidé au Japon moins de 10 ans au cours des 15 années précédant le décès.

Dans notre exemple 1, si le défunt, de nationalité japonaise et domicilié en France, a eu une résidence au Japon au cours des 10 années précédant son décès, le patrimoine mondial est taxé peu importe la situation de l’héritier ou du légataire. Dans cette hypothèse, le patrimoine mondial serait taxé deux fois, par la France et par le Japon.

Afin d’identifier la situation dans laquelle vous vous trouvez précisément, il convient de vous rapprocher d’un professionnel. De la même manière si vous bénéficiez ou souhaitez consentir une donation, la fiscalité associée répond aux mêmes conditions que celles exposées.

Focus sur la taxation du conjoint survivant et des descendants :

De l’assiette de taxation est déduit un abattement général de 30 millions de yen. Cela signifie que le patrimoine est exonéré de toute fiscalité à hauteur de cet abattement. A cet abattement, il est  ajouté un autre abattement d’un montant de 6 millions de yen par héritier légal.

Au delà, l’actif net est taxable selon le barème progressif qui suit.

La somme recevable selon le Code Civil 

Taux

A déduire

Jusqu’à 10 million yen

10 %

Jusqu’à 30 million yen

15 %

500 000

jusqu’à 50 million yen

20 %

2 millions

jusqu’à 100 million yen

30 %

7 millions

jusqu’à 200 million yen

40 %

17 millions

jusqu’à 300 million yen

45 %

27 millions

jusqu’à 600 million yen

50 %

42 millions

 

Exemple 3 : Le défunt laisse pour lui succéder son conjoint et ses deux enfants ainsi qu’un patrimoine d’une valeur de 100 millions de yen en valeur. Il sera d’abord déduit l’abattement d’un montant de 48 millions de yen (30 millions + 3 x 6 millions) soit un actif net taxable d’une valeur de 52 millions de yen.

Selon le Code Civil japonais, le conjoint a le droit de succéder de moitié et chaque enfant  d’un quart.

La part taxable du conjoint survivant s’élève donc à 26 millions et celle de chaque enfant  à 13 millions.

Calculs :

  • Fiscalité du conjoint survivant : 26 millions x 15 % – 500.000 (cf tableau) =  3,4 million de yen dus aux autorités japonaises par le conjoint survivant.

Le conjoint survivant est toutefois exonéré de taxe si la somme dont il hérite est de moins de 160 millions de yen ou s’il hérite au maximum de la moitié de la valeur des biens du défunt. Ce qui est le cas dans notre hypothèse.

  • Fiscalité des descendants : 13 millions x 15% – 500.000 (cf tableau) = soit 1,45 million de yen dus aux autorités japonaises par chaque enfant.

Cet article a été rédigé par Maître Caroline DIXNEUF, notaire à ISSY-LES-MOULINEAUX, spécialisée en droit patrimonial de la famille.

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