Où sont les sans abri à Tokyo ?

Quelques sans abri à la gare de Shibuya, Vivre à Tokyo
Quelques sans abri à la gare de Shibuya © Vivre à Tokyo

Mercredi 7 mars dernier, David-Antoine Malinas, Attaché à la coopération Universitaire à l’Ambassade de France, Maître de Conférences en japonologie à l’université Paris Diderot, revenait lors d’un petit déjeuner organisé par l’association Femmes Actives Japon, sur la question des sans abri au Japon, et plus particulièrement à Tokyo.

Les sans abri à Tokyo

Si l’on compare Tokyo avec d’autres grandes capitales, le nombre de sans abri semble relativement faible.

David-Antoine Malinas nous a expliqué ce phénomène en revenant une trentaine d’années en arrière, dans les années 90. Les sans abri au Japon  sont à 95% des  hommes (en général âgés de plus de 50 ans), de nationalité japonaise. En effet, du fait du fort contrôle de l’immigration, peu d’étrangers se trouvent sur le territoire dans une situation difficile au point d’être sans abri. A l’époque, les sans abris se regroupent  sous des « tentes bleues » ( nom lié à la couleur des bâches utilisées)  dans des zones un peu excentrées (dans le Nord est de Tokyo,  le long de la Sumida ou de la Tamagawa) ou dans des maisons en cartons dans les gares. Ils sont, pour la plupart, d’anciens  ouvriers dans le secteur du bâtiment qui vivaient auparavant dans des ghettos (Yoseba). La  crise du secteur immobilier les a privé d’emploi  et de revenu et les a conduit à la rue. Ils seront bientôt rejoints par d’autres populations, elles aussi menées à la rue par la crise économique.

Assez rapidement,  le gouvernement met en place une politique d’éviction, notamment à Tokyo et à Osaka, suscitant des réactions très vives et la constitution d’associations d’aide aux sans abri. Avec l’aide de ces associations, sont mises en place des politiques d’hébergement et de relogement. En contre-partie d’un logement à très bas coût , les sans abri doivent renoncer à leur installations dans les espaces urbains. Ces espaces occupés par les sans abri sont strictement référencés et à chaque départ pour un logement, les autorités veillent à ce qu’aucun nouveau sans abri ne s’installe. Cette politique, associée à une politique de réinsertion, fonctionne rapidement.
En mars 2011 survient  le tremblement de terre du Tohoku. La main d’œuvre nécessaire est telle que beaucoup de sans abri sont embauchés et partent au Nord pour reconstruire la région.
Complément vivre à Tokyo : Cet épisode est particulièrement bien retranscris dans le livre  Les évaporés de Thomas B. Reverdy

Aujourd’hui encore, les installations clandestines en ville sont très surveillées et de moins en moins nombreuses. Cela explique notre impression de ne jamais -ou presque- croiser de personnes sans logement .
En 2017, le nombre de sans abri sur l’ensemble du territoire japonais s’élèverait  à 5000 personnes.

Un autre phénomène  : la précarité

Depuis les années 2000, le Japon fait face à un autre phénomène : le développement de la précarité dans le travail. En effet, depuis la politique libérale des années 2000, et notamment l’extension de l’emploi intérimaire au secteur industriel, le nombre de travailleurs avec un emploi atypique a fortement augmenté pour concerner  aujourd’hui 40 % de la population active. 

Trois groupes de population sont particulièrement concernés: les femmes (dont la courbe du travail peut être représentée par un M -actives en début de carrière, puis à la maison le temps d’élever les enfants et enfin de retour sur le marché du travail pendant 15-20 ans avant leur départ à la retraite), les personnes âgées (entre 60 ans, âge classique de la fin des contrats et 65 ans, l’âge du versement de la retraite par l’Etat) et les jeunes hommes qui entrent sur le marché du travail en contrat à durée déterminée et ne parviennent pas ensuite à obtenir un empli en contrat à durée indéterminée.

Cette situation est générée par le grand écart de charges entre un CDD et un CDI au Japon. Malheureusement, les associations, qui avaient joué un rôle majeur dans l’aide apportée aux sans-abri, peinent à se mobiliser et la précarité continue d’augmenter.

HM

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